Nous voilà donc arrivés à San Martín de Los Andes, première étape de la fameuse « route des lacs » qui correspond à une portion de la RN 40 (prononcer ruta cuarenta, un mythe en argentine comparable à la route 66 aux Etats-Unis). Cette portion a la particularité de serpenter dans la montagne de lac en lac, une demi-douzaine au total, tous plus magnifiques les uns que les autres. C’est un peu comme Rome, version nature : où que tu t’arrêtes, tu n’as qu’à ouvrir les yeux pour être émerveillé. Les lacs sont donc bordés par des montagnes couvertes de forêts, aux cimes parfois encore enneigées, que l’on peut contempler depuis une des innombrables petites plages de galets où il est possible de se baigner si l’on n’a pas peur de la fraîcheur de l’eau. Mais ça reste correct, les filles s’y trempent les fesses sans trop de problème, on doit être autour de 18° voire parfois 20°, ce qui n’est plutôt pas mal pour un lac de montagne…





Nous rencontrons aussi deux allemands qui se baladent dans un pick-up avec une toute petite cellule, et leurs deux enfants de 7 mois et 2 ans et demi. Un peu fatigués, et bientôt au bout de leur voyage, le père nous a offert un véritable moment d’extase quand il a vu notre camping-car Mercedes, nous disant que c’était le top du top, qu’avec ça on irait au bout du monde, pas loin de le prendre dans ses bras… Clairement, il était temps pour eux de rentrer en Allemagne ! Un peu comme si demain on croisait un food truck vendant du camembert rôti et du magret de canard BLEU… si seulement…




On profite d’être dans une grande ville pour faire expertiser la petite fissure à l’arrière de notre camping-car et il s’avère qu’il vaut mieux la réparer nous même car les dégâts sont minimes et ne dépassent évidemment pas la franchise de notre assurance, qui par ailleurs ne nous remboursera finalement pas non plus tous les biens volés dans le bateau : Francisco aurait dû être expertisé en France pour ça. Ah, les assurances… Toujours là quand on n’a pas besoin d’elles.

Au passage, un garagiste débordé mais très aimable m’explique que le problème de démarrage que nous avons eu à deux reprises est probablement dû à un point un peu grippé dans le circuit de la batterie moteur, entrainant un faux contact, et me fait démonter une partie du circuit pour le nettoyer. Plus de problème depuis (intonation de fierté du bricoleur en herbe qui a réussi à réparer un truc).
Nous poursuivons pendant ce temps notre apprentissage de la vie de voyageurs avec enfants en bas âge, et des grandes règles immuables qui la régissent : ne jamais trop en prévoir dans la journée, et ne pas se faire piéger à décaler l’heure du repas et de la sieste, sous peine de crises de rage de nos trolls parfois bien longues à canaliser ! En fait c’est la seule véritable grande règle, mais il nous aura fallu quelques échecs mémorables pour comprendre qu’il n’y a pas d’alternative.





L’ambiance en arrivant à Esquel est assez mauvaise : les 50km et deux heures de ripio m’ont fait accumuler un stress assez énorme. Déjà parce qu’en bon mec de base je suis stressé quand ce n’est pas moi qui conduis sur les portions pourries, et surtout parce que je supporte mal toutes ces secousses et vibrations, qui me donnent l’impression que notre camping-car va tomber en miettes tellement il est remué, et craque de partout. Pour couronner le tout, je me rends compte en arrivant que la partie basse d’une cloison interne a bougé, et c’est comme ça que la goutte d’eau fait déborder le vase : « je ne sais pas comment les autres font, mais moi je ne peux pas supporter l’idée que ce fichu ripio nous bousille notre Francisco chéri à petit feu ! » (En plus vulgaire. Beaucoup plus). Et je me demande sincèrement comment les autres voyageurs qui se baladent en camping-car en Amérique Latine font, d’autant que sans vouloir me la raconter, notre camping-car est loin d’être le pire niveau robustesse ! Je décide donc d’envoyer quelques messages sur les différents forums de voyageurs sur lesquels nous sommes inscrits, et le lendemain nous avons déjà un bon nombre de réponses rassurantes : un voyageur m’explique qu’il a réussi à ne faire que 2500km de ripio sur les 50000 de son voyage en Amérique latine. Plusieurs autres me disent que tout le monde connait ce problème, et qu’il faut se faire à l’idée qu’il y aura des petites réparations, ou parfois des grosses, à faire pendant tout le voyage, mais que ça fait partie du jeu, et qu’il est globalement facile de faire faire des réparations pour des sommes modestes, ce qui est vrai. Je suis franchement regonflé, et après plusieurs discussions, on décide malgré tout d’esquiver au maximum le ripio, ce qui achève mes derniers relents de frustration.
Cette décision se traduit par un franc changement d’itinéraire : nous n’irons pas en Patagonie du Sud, mais remonterons le Chili par la Carretera Austral dans sa portion de bonne qualité. Cela nous convient finalement sur tous les plans : on regagne le temps qu’on avait perdu, ce qui a son importance car certains pays doivent être visités à la bonne saison, entre autres cette portion du Chili qui est largement abreuvée de pluie toute l’année (certains mois de façon quasi ininterrompue…) sauf au mois de février. On s’évite plusieurs milliers de km de route monotone et quelques gros tronçons de ripio. Et on passera finalement la fin de l’été (février/mars) dans une région du Chili propice à la baignade dans l’océan et les lacs de montagne, plutôt qu’en Patagonie du sud où ça va sérieusement cailler. La contre-partie étant qu’on loupera des paysages incroyables, les glaciers, Torres del Paine et compagnie, mais ce sera remplacé par autre chose.


Le lendemain, Xavier qui a un véritable atelier dans son camion, me prête perceuse, échelle et compagnie, ce qui me permet de résoudre mon problème de cloison, qui en fait datait probablement de l’ancien propriétaire, et de refaire un joint sur le toit. Il nous répare même le ventilateur, ou « gentilateur » comme dirait Oli, en un coup de fer à souder. Ça fait plaisir !
Puis Éric nous propose d’aller faire un tour au bord d’un lac à 10km de là. Nous nous y retrouvons le soir, sans Xavier et Danielle finalement, mais avec un couple d’espagnols que nous avions croisé au Parque Los Alerces, au moment de notre départ. Nous avions alors juste eu le temps d’échanger quelques mots et nos numéros Whatsapp. Quisqueyra et Andrés sont deux jeunes médecins plutôt roots, hyper sympas, qui voyagent dans un Renault Master de 400 000km (!), jusqu’à ce que le budget soit à sec, ou que le Master trépasse. Et les journées sans ouvrir le capot sont assez rares, apparemment. On se retrouve donc le soir, avec d’autres connaissances des Alerces, un couple d’argentins qui roulent en Transporter retapé. On regroupe les tables et les plats façons auberge espagnole, on sort toutes les bières en stock, on fait manger les filles qui s’endorment aussi sec, et passe une soirée vraiment chouette à refaire le monde avec nos nouveaux amis.
Nous quittons Esquel le surlendemain, surmotivés, notre itinéraire en poche, et avec pleins de nouveaux copains en plus que nous recroiserons certainement pendant notre périple !



carine
janvier 30, 2020 at 11:00amMerci pour tous ces beaux commentaires et ces superbes photos… bisous à vous 4
Nanie
février 4, 2020 at 2:38amMerci Carine, gros bisous à tous les 5 !